Comment limiter le champ d’application de l’interdiction de gérer ? (Tribunal de commerce de LYON, 23 mars 2023, RG 2022F01251).
Dans le cadre de la liquidation judiciaire de sa société commerciale, un dirigeant représenté par le Cabinet a été assigné devant le tribunal de commerce par le liquidateur aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle ou à défaut, une mesure d’interdiction de gérer pour une durée de 10 ans.
Que signifie la faillite personnelle et l’interdiction de gérer ?
L’entrepreneur ou le dirigeant qui subit le redressement ou la liquidation judicaire de son entreprise n’est pas à l’abri de toute sanction.
Si des fautes de gestion lui sont reprochées, le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public, peuvent demander au tribunal le prononcé d’une sanction personnelle à son encontre : la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer.
Peut notamment donner lieu au prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer le fait :
- D’avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire ;
- D’avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres (est ici visé le cas de l’abus de biens sociaux) ;
- D’avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
- D’avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière.
Une interdiction de gérer peut également être prononcée lorsque l’entrepreneur ou le dirigeant a sciemment omis de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours suivant la cessation des paiements.
Ces deux sanctions sont alternatives. Le tribunal peut prononcer l’une ou l’autre, si des fautes de gestion telles que visées ci-dessus sont suffisamment caractérisées.
Mais alors quelles sont les différences entre ces deux sanctions ?
La finalité de ces deux sanctions est la même : interdire à la personne défaillante d’accéder à la gestion d’une entreprise pour l’avenir.
Toutefois, la faillite personnelle est une sanction plus lourde que celle d’interdiction de gérer, notamment :
- Parce qu’en faillite personnelle, l’interdiction est d’ordre général alors qu’elle peut être limitée à une entreprise ou à un secteur d’activité déterminé dans le cadre d’une interdiction de gérer ;
- Parce que si la procédure est clôturée pour insuffisance d’actif, les créanciers retrouvent leur droit de poursuite à l’égard du débiteur personne physique ;
- Parce que le tribunal peut également assortir sa décision d’une incapacité d’exercer une fonction publique élective.
Pour ces raisons, il existe un intérêt certain à voir prononcer une mesure d’interdiction de gérer en lieu et place d’une mesure de faillite personnelle.
En pratique ?
Au cas particulier, il était reproché au dirigeant diverses fautes dans la gestion d’une société commerciale qu’il avait créé.
Il exerçait en parallèle une activité artisanale en nom propre depuis de nombreuses années. Cette activité était prospère et aucune carence dans la gestion n’était constatée la concernant.
Suivant l’argumentation développée par le Cabinet, le tribunal de commerce de LYON a accepté de limiter la condamnation du dirigeant à une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 6 ans et surtout, d’exclure du champ de cette interdiction l’activité artisanale exercée par le dirigeant en nom propre afin de permettre son reclassement !