Actualités jurisprudentielles en matière d'inaptitude médicale
La Cour de cassation affine progressivement sa jurisprudence en matière de régime de l’inaptitude médicale d’un salarié.
Tour d’horizon des principales décisions rendues au cours des derniers mois.
• Impossibilité de licencier un salarié déclaré inapte pour un motif autre que l’inaptitude (Cass.soc. 8 février 2023, n°21-16.258)
Dans cette affaire, une procédure de licenciement disciplinaire est engagée à l’encontre d’un salarié placé en arrêt maladie. Cependant, à l'issue d'une visite de reprise organisée la veille de l’entretien préalable, le médecin du travail déclare le salarié inapte à son poste.
Malgré cet avis d’inaptitude, l’employeur licencie le salarié pour un motif disciplinaire. Il décide alors de saisir la juridiction prud'homale pour contester ce licenciement.
La Cour d’appel commence par débouter le salarié de ses demandes, considérant que l'inaptitude définitive du salarié ne privait pas l’employeur de la possibilité de se prévaloir d'une faute lourde au soutien du licenciement, dont elle avait initié la procédure antérieurement à l’avis d’inaptitude.
La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel en retenant que le salarié, déclaré inapte, ne pouvait pas être licencié pour un motif autre que l'inaptitude.
L’avis du médecin s’impose ainsi aux parties et au juge, et cela même si une procédure disciplinaire est engagée avant l’émission de l’avis.
Une exception existe néanmoins lorsque le salarié « fait obstacle à son reclassement » (par exemple : refus du salarié de se rendre aux entretiens en vue de son reclassement). Cette exception a également été récemment admise par la juridiction administrative (Conseil d’Etat, 12 avril 2023, n°458974).
• Caractère forfaitaire du salaire maintenu au salarié déclaré inapte (Cass.soc. 1er mars 2023, n°21-19.956, Publié au Bulletin)
Pour rappel, lorsqu'à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
En l’absence de disposition expresse, la Cour de cassation juge qu’aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié, nonobstant le versement d’indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS).
Le salarié peut alors cumuler salaire et IJSS.
• Aménagement du poste de travail en télétravail imposé à l’employeur, même si le télétravail n’est pas mis en place au sein de l’entreprise (Cass.soc. 29 mars 2023, n°21-15.472, Publié au Bulletin)
Dans cette affaire, le médecin du travail avait déclaré une secrétaire médicale inapte à son poste, en précisant qu’elle « pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2 jours/semaine) en télétravail avec aménagement du poste approprié ».
Son employeur l’a malgré tout licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Devant les juridictions compétentes, la salariée conteste la rupture de son contrat en faisant valoir le manquement de son ancien employeur à son obligation de reclassement.
Elle obtient gain de cause devant la Cour d’appel qui considère que l’aménagement de poste en télétravail fait partie intégrante de l’obligation de reclassement de l’employeur, même si le télétravail n’est pas mis en place au sein de l’entreprise.
La Cour de cassation valide ce raisonnement et rappelle qu’« il appartient à l’employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».
• Inaptitude d’un salarié pendant la suspension de son contrat de travail (Cass.soc. 24 mai 2023, n°22-10.517, Publié au Bulletin)
Dans cette affaire, un salarié avait sollicité une visite médicale pendant son arrêt de travail. Au terme de cette visite, le médecin du travail le déclare inapte.
Son employeur le licencie alors pour inaptitude et impossibilité de reclassement, licenciement par la suite contesté par le salarié.
La Cour d’appel déboute le salarié de ses demandes en considérant que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse dès lors que l'examen demandé par l’intéressé peut constituer l'examen médical à l'issue duquel le médecin du travail peut constater l'inaptitude, peu importe que cet examen soit réalisé durant un arrêt de travail.
La Haute Juridiction valide ce raisonnement pour qui « le médecin du travail peut constater l'inaptitude d'un salarié à son poste à l'occasion d'un examen réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de l'article R. 4624-34 du Code du travail, peu important que l'examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail ».
Cette décision est inédite.