Précisions du Conseil d’Etat sur la procédure de présomption de démission pour abandon de poste (CE, 18 décembre 2024, n°473640)

La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 a instauré une nouvelle présomption de démission en cas d’abandon de poste (Article L. 1237-1-1 du Code du travail).
Les modalités de ce nouveau régime juridique ont été précisées par un décret du 17 avril 2023, créant un article R. 1237-13 au sein de la partie réglementaire du Code du travail.
Les dispositions de ce décret et les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle procédure ont été contestées par des syndicats, ce qui a conduit le Conseil d’Etat à se prononcer dans une décision du 18 décembre 2024, par laquelle il rejette ces recours et valide définitivement le dispositif.
Que prévoit le décret contesté par les syndicats ?
Les textes précisent d'abord que l'employeur qui souhaite faire jouer la présomption de démission à l'encontre d'un salarié doit le mettre en demeure par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours.
Pendant ce délai, le salarié doit présenter un motif légitime d’absence tels que des raisons médicales, l'exercice du droit de retrait, l'exercice du droit de grève, le refus d'exécuter une instruction contraire à une réglementation, la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ... (Article R. 1237-13 du Code du travail).
A l’expiration du délai :
- Soit le salarié présente un motif légitime d’absence : le contrat de travail est alors suspendu et reprendra au retour du salarié ;
- Soit le salarié ne présente pas de motif légitime d’absence ou ne répond pas : il est alors considéré comme démissionnaire.
Dans ce dernier cas, le droit commun de la démission s’applique et le salarié doit exécuter son préavis. A défaut, l’employeur est en droit de lui demander une indemnité compensatrice.
Quelles sont les précisions apportées par le Conseil d’Etat ?
Dans sa décision du 18 décembre 2024, le Conseil d’Etat a tout d’abord validé le délai de 15 jours prévu par l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, de même que le point de départ de ce délai fixé à la présentation (et non la réception) du courrier de mise en demeure.
Il ajoute ensuite une condition en imposant une obligation d’information supplémentaire à la charge de l’employeur.
Ce dernier doit désormais préciser dans le courrier de mise en demeure les conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail sans motif légitime.
Selon notre analyse, cette obligation d’information concerne :
- La potentielle rupture du contrat de travail sous le régime de la démission ;
- L’absence d’indemnisation chômage en résultant ;
- Le respect du délai de préavis.
Nous avions déjà évoqué la communication de ces informations dans notre article précédent relatif à ce dispositif (cf. Publication du décret n°2023-275 sur la présomption de démission en cas d'abandon de poste) en application notamment du questions/réponses publié sur le site du Ministère du Travail.
Quel avenir pour le licenciement fondé sur l’abandon de poste ?
Une incertitude persiste, puisque le Conseil d’Etat ne se prononce pas sur le sujet.
Il précise en effet que « le décret n’avait pas, à peine d’illégalité, à préciser si la procédure de licenciement peut [...] être engagée par l’employeur quand les conditions du premier alinéa de l’article L. 1237-1-1 du Code du travail sont remplies ».
Pour rappel, dans un premier temps, le questions/réponses publié sur le site du Ministère du travail avait écarté le droit du licenciement au profit exclusif de la procédure de présomption de démission.
Néanmoins, face aux nombreuses contestations élevées par les praticiens du droit, cette interprétation a été supprimée.
L’incertitude demeure néanmoins, laquelle devra désormais être tranchée par le juge judiciaire.
Les zones d’ombre de ce nouveau dispositif imposent dès lors une particulière prudence de la part des employeurs qui souhaiteront le mettre en application.