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Association et bénévolat : le risque de requalification en contrat de travail


Par définition, le bénévolat suppose l’exécution volontaire d’une prestation sans rémunération, de manière régulière ou occasionnelle.

 

Le contrat de travail, lui, se caractérise par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte d’une autre, sous la subordination de laquelle il se place, en contrepartie d’une rémunération.

 

Si en théorie, les deux relations sont très différentes, il est des cas dans lesquels la frontière est mince.

 

La distinction est d’autant plus délicate à effectuer que l’existence du contrat de travail ne dépend pas de la volonté des parties ni même de la dénomination qu’elles ont pu donner à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité est exercée.

 

La question de la requalification en contrat de travail peut « intéresser » plusieurs personnes ou organismes : bénévole insatisfait, URSSAF (laquelle demandera le paiement de cotisations sociales), Inspection du travail …

 

Dès lors, même en présence d’une convention de bénévolat, le juge pourra requalifier cette relation en contrat de travail s’il considère les critères de ce dernier remplis (I) et en tirer toutes les conséquences financières, lesquelles peuvent être lourdes pour l’Association condamnée (II).

 

 

I. Les critères de requalification

 

En pratique, deux critères seront discutés pour savoir si la relation entre l’association et l’intéressé est bénévole ou salariée : le lien de subordination (1.1) et la rémunération (1.2). Le juge fera ensuite une appréciation globale de la situation (1.3).

 

 

1.1. Le critère du lien de subordination

 

Selon la jurisprudence, « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (not. : Cass. Soc., 13 novembre 1996, n°94-13.187).

 

Plusieurs éléments doivent être recherchés pour déterminer l’existence – ou non – de ce lien de subordination :

  • L’association a-t-elle un pouvoir de sanction sur les bénévoles ?
  • Sont-ils tenus de respecter des horaires ? 
  • Sont-ils libres de décider de leurs interventions ? Peuvent-ils refuser d’intervenir lorsque l’Association le leur demande / propose ?
  • Décident-ils des conditions de leur interventions (horaires, jours, durée de l’activité …) ?
  • Le bénévole exerce-t-il par ailleurs une activité salariée à temps complet ou est-il à la retraite ? Cet élément est important car si tel est le cas, les juges ne pourront pas reconnaître l’existence d’un contrat de travail à temps complet car il n’est possible d’en cumuler deux et car on comprend davantage le désintérêt financier d’un individu déjà rémunéré par ailleurs.
  • Le bénévole est-il membre de l’association ? Là encore, il s’agit d’un élément important car, aux termes de l’article 1er de la loi de 1901, les membres mettent en commun leurs connaissances ou leur activité. Le fait d’être membre de l’association réduit donc les risques de requalification car l’accomplissement d’une prestation par l’un de ses membres est, dans une certaine mesure, « normale ».

 

L’ensemble de ces éléments permettra de déterminer s’il existe un lien de subordination entre l’association et l’intéressé, indice de la reconnaissance d’un contrat de travail, si le critère de la rémunération est également présent.

 

 

1.2. Le critère de la rémunération

 

En principe, le bénévole ne perçoit aucune somme d’argent pour la prestation accomplie.

 

Cependant, certaines contreparties ou certains remboursement versés par l’association peuvent interroger et s’analyser parfois comme une forme déguisée de rémunération.

 

Tel est le cas lorsque le bénévole reçoit des contreparties en nature tels que des repas ou un hébergement en échange de sa prestation. Même si ces contreparties n’ont pas la valeur du salaire minimal, elles pourront être qualifiées de rémunération si elles sont versées en raison du travail accompli. Elles doivent donc rester très limitées et justifiées, c’est à dire ne pas dépendre strictement de la prestation réalisée par le bénévole.

 

De même, la question de l’existence d’une rémunération peut se poser en cas de remboursement de frais professionnels. Pour la Cour de cassation, il n’est pas exclu que le bénévole perçoive une indemnisation pour le remboursement des frais qu’il expose (Cass. Soc., 29 janvier 2002, n°99-42.697). En revanche, il faut que ces remboursements correspondent exactement aux frais exposés. Ainsi, un remboursement forfaitaire, déconnecté des frais réellement exposés peut s’analyser en une rémunération.  

 

Il est ainsi conseillé de ne procéder à la prise en charge des frais que sous la forme d’un remboursement sur justificatifs des dépenses engagées et non de manière forfaitaire.

 

Il est encore envisageable de privilégier la mise à disposition des repas plutôt que le remboursement lorsque l’organisation le permet.

 

 

1.3. L’appréciation globale de la situation

 

Les juges vont effectuer une appréciation globale de l’ensemble des éléments évoqués. Dès lors, la circonstance qu’un des critères soit rempli ne permettra pas à elle seule une requalification en contrat de travail.

 

En revanche, la réunion de plusieurs éléments conduira le juge à constater l’existence d’un contrat de travail.

 

Par exemple, la Cour de cassation a pu admettre la requalification en retenant les éléments suivants :

 

  • les intéressés recevaient des consignes très précises, devaient respecter des horaires ;
  • ils étaient soumis à un règlement dit « du service des convois » ;
  • ils recevaient un remboursement de frais de mission effectué non sur la base des frais réels exposés, mais en fonction d'un tarif forfaitaire variant suivant la durée de la mission, les frais réellement exposés ne représentant qu'un tiers de la somme allouée ;
  • ils n'étaient pas membre de l’association (en l’espèce la Croix Rouge).

(Soc., 29 janvier 2002, n°99-42.697)

 

De même, un contrat de travail est reconnu s’agissant de personnes qui : 

 

  • utilisent l'outillage et les matériaux fournis par une abbaye,
  • sont occupés selon des horaires précis,
  • travaillent sous le contrôle du personnel d'encadrement de l'abbaye,
  • reçoivent, en contrepartie, un logement, de la nourriture et quelques subsides.

(Crim., 27 sept. 1989, n°88-81.182)

 

 

II. Les conséquences de la requalification

 

La reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail est lourde de conséquences.

 

La personne reconnue salariée sera en droit de solliciter, a minima, le paiement des sommes suivantes :

 

  • les salaires dus sur la période de travail, lesquels seront calculés soit sur la base de la rémunération des salariés exerçant des fonctions similaires, soit sur la base de la rémunération minimale conventionnelle ou légale,
  • en cas de rupture de la relation de travail :
    • l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
    • l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,
    • les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lesquels dépendent d’un barème tenant compte de l’ancienneté du salarié,
    • l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulée égale à 6 mois de salaire.

 

Par ailleurs, l’association devra payer les cotisations sociales dues sur sommes de nature salariale. En effet, en réalité, c’est souvent l’URSSAF qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail et sollicite alors le paiement desdites cotisations sociales.   

 

*

 

En conclusion, les associations et les autres structures ayant occasionnellement recourt au bénévolat, doivent prendre soin de distinguer clairement les salariés des bénévoles s’agissant des prestations qu’elles sollicitent de leur part. Si les premiers reçoivent des instructions, sont contrôlés et sanctionnés, l’association doit être plus souple avec les bénévoles, lesquels viennent et partent à leur guise.

 

De plus, si l’association rembourse les frais ou alloue des contreparties aux bénévoles, ceux-ci doivent toujours être limités et sont justifiés afin de ne pas s’apparenter à une rémunération.  


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