Focus : le traitement social et fiscal des indemnités transactionnelles
La transaction est un contrat écrit, très en vogue pour clore une contestation née, ou prévenir une contestation à naitre entre un ex-employeur et un ex-salarié.
En effet, par le jeu des concessions réciproques, la transaction peut prévoir le versement d’une indemnité dite transactionnelle pour le salarié, et ainsi empêcher le déclenchement d’une procédure contentieuse prud’homale contre l’employeur.
Du point de vue du droit du travail, le choix de recourir à une transaction est très avantageux à de multiples égards pour chacune des deux parties : sécurité juridique, réduction de l’aléa judiciaire, évitement d’une procédure longue et coûteuse etc.
En revanche, le risque afférent à un redressement de cotisations est réel. Un impact existe également sur l’assurance chômage. Ni l’employeur, ni le salarié n’est immunisé contre ces risques.
Il ne suffit pas de négocier une indemnité, mais il est également primordial d'en mesurer les conséquences.
C’est pourquoi il est essentiel pour les deux parties d’être averties du régime applicable en la matière, lequel sera succinctement exposé ci-dessous.
Dans ces conditions, l’assistance d’un avocat peut se révéler indispensable pour faire un point exact sur le régime fiscal et social applicable à l’indemnité transactionnelle négociée, et surtout utiliser la bonne rédaction pour se prémunir contre ces risques.
• Les principes actuellement applicables
Selon la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, il convient de distinguer :
- Les indemnités transactionnelles qui ont un caractère salarial et qui sont assujetties à cotisations sociales ;
- De celles qui ont un caractère indemnitaire et qui sont exonérées de cotisations sociales.
Selon cette distinction, les sommes versées en exécution des transactions qui constituent un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l'occasion du travail (rappel d’heures supplémentaires, paiement du préavis etc), doivent être assujetties, dès le premier euro, à l’impôt sur le revenu et à cotisations (V. par ex. Cass. 2e civ., 28 novembre 2019, n° 18-22.807 ; Cass. 2e civ. 8 avril 2021, n° 20-12.499).
A l’inverse, lorsque l'employeur prouve le caractère indemnitaire des indemnités transactionnelles versées, celles-ci peuvent être exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations dans la limite de leur fraction représentative d'une indemnité elle-même exonérée.
Pour apprécier le seuil d'imposition et d'assujettissement, il est fait masse des indemnités versées au moment de la rupture et de l'indemnité transactionnelle.
Si le montant de l’indemnité transactionnelle comprend les deux types de sommes, il convient d’évaluer chacun des montants pour y appliquer le régime adéquat.
En cas de contentieux, il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement la qualification des sommes, peu importe celle que les parties à la transaction ont souhaité leur donner.
• Les points de vigilance
Dès lors que la charge de la preuve du caractère indemnitaire pèse sur le cotisant, et non sur l’URSSAF, la rédaction du protocole d’accord transactionnel doit être particulièrement soignée.
Il convient d'identifier dans la transaction (le cas échéant, en les ventilant) les chefs de préjudice que l'indemnité transactionnelle a pour objet de compenser, et ce afin d'en établir le caractère indemnitaire.
Cette rédaction doit être claire, précise, sans ambiguïté et faire état d'éléments circonstanciés sur la commune intention des parties.
La référence à un litige est également requise, indépendamment de toute saisine du Conseil de prud’hommes.
De même, il conviendra d’être attentif à la date à laquelle la transaction est conclue. En effet, une transaction signée très peu de temps après la notification d’un licenciement (par exemple moins d’un mois) pourrait être utilisée par les juges pour considérer que les conditions essentielles d’une transaction ne sont pas réunies (notamment les discussions et échanges portant sur les concessions réciproques) et, dès lors, se prononcer en faveur de l’assujettissement.
Une vigilance doit également être portée sur le montant des sommes allouées : une indemnité dont le montant correspondrait strictement à celui de l’indemnité de préavis ou, au contraire, qui paraitrait disproportionnée avec le préjudice que l’indemnité est supposée réparer, exposerait la somme au risque de redressement.
Enfin, et en tout état de cause, il convient d’être particulièrement vigilant sur l’application de ce régime, lequel ne cesse d’évoluer au fil des jurisprudences de la Cour de cassation.
Un suivi et une actualisation constante des règles régissant le sort des indemnités transactionnelles est indispensable pour éviter les erreurs … et les redressements.
• L’impact d’une transaction sur les droits au chômage
On ne peut pas traiter du régime social et fiscal des indemnités transactionnelles sans évoquer leur impact sur les droits au chômage.
En effet, la conclusion d’une transaction n’est pas neutre sur les droits aux allocations chômage pour l’ancien salarié puisque les sommes glanées auprès de l’employeur peuvent être finalement perdues ou différées auprès du Pôle Emploi.
S’agissant tout d’abord de l’employeur, il sera rappelé que celui-ci est soumis à une obligation de loyauté, laquelle lui impose de s’assurer que le salarié a eu accès, au moment où il signe la transaction, à l’ensemble des informations relatives aux conséquences de la transaction. Ces informations concernent également les implications sur sa situation de demandeur d’emploi.
Par ailleurs, il appartient à l’employeur d’indiquer les sommes versées au titre de la transaction dans l’attestation Pôle emploi, ou, si la transaction est signée postérieurement à la rupture du contrat de travail, dans une attestation Pôle emploi rectificative établie par la suite.
S’agissant ensuite de l’ancien salarié, il est essentiel pour lui d’analyser les conséquences d’une transaction sur ses droits aux allocations dans la mesure où celle-ci peut retarder le versement de l’indemnisation et générer un différé d’indemnisation.
En revanche, on notera le versement de l’indemnité transactionnelle n’a aucun impact sur le calcul du montant de l’allocation chômage versée mensuellement, sauf si l’indemnité est reconnue comme constitutive d’un salaire.