Rejet de la demande d’autorisation de saisie des rémunérations : décision du Tribunal d’instance de VILLEURBANNE en date du 16 juillet 2019 (RG n° 2018.226)
Lorsqu’un créancier souhaite recouvrer sa créance pour laquelle il bénéficie d’un titre exécutoire, plusieurs procédures d’exécution s’offrent à lui parmi lesquelles la procédure de saisie des rémunérations.
Contrairement à une simple saisie-vente ou saisie-attribution, la procédure de saisie des rémunérations nécessite l’intervention d’un juge du Tribunal d’instance saisi par requête du créancier aux fins de conciliation. En cas de contestations soulevées par le débiteur, le dossier est renvoyé à une prochaine audience pour que soit statué sur les moyens de défense.
Le Cabinet DESBOS BAROU a récemment assuré la défense des intérêts d’un particulier convoqué devant le Tribunal d’instance de VILLEURBANNE aux fins de saisie de ses rémunérations.
Le créancier n’était autre que la société CREDIT LOGEMENT organisme s’étant porté caution de l’emprunt souscrit et ayant été appelé en garantie par l’établissement bancaire suite à des échéances impayées puis à la déchéance du terme.
Si la situation pouvait paraître critique, l’intervention du Cabinet a permis de déceler une faille concernant le titre exécutoire servant de fondement aux poursuites.
En effet, par jugement du 1er janvier 2015, le Tribunal d’instance de VILLEURBANNE a condamné l’emprunteur au paiement des sommes réglées par la caution.
L’assignation n’a toutefois jamais été délivrée à l’emprunteur en personne et celui-ci n’a pas comparu à l’audience de sorte que le jugement rendu a été qualifié de jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il était susceptible d’appel.
Or l’article 478 du Code de procédure civile prévoit que ce type de jugement doit être notifié dans les 6 mois de sa date sous peine de le voir déclaré non-avenu (inexistant).
L’acte de signification (notification par huissier de justice) a donc été analysé attentivement et plusieurs vices sont apparus devant permettre d’obtenir la nullité de l’acte de signification et par voie de conséquence de solliciter du juge qu’il déclare non-avenu le jugement, disparition du jugement privant ainsi la caution d’un titre exécutoire pour la procédure de saisie des rémunérations.
Plus précisément, l’Huissier de justice avait procédé à une signification à domicile fondée sur l’article 656 du Code de procédure civile correspondant à l’hypothèse où le domicile du destinataire de l’acte a été trouvé mais que personne ne peut ou ne veut recevoir l’acte, ce dernier est alors conservé à l’étude de l’Huissier.
Or, le principe est celui de la signification à personne (article 654 CPC) et ce n’est qu’en cas d’impossibilité absolue de procéder à une telle signification qu’il devient alors possible de procéder par signification à domicile à une personne acceptant de recevoir l’acte (article 655 CPC) ou bien toujours à domicile mais en laissant un avis de passage et en déposant l’acte à l’étude (article 656 CPC). Ainsi l’Huissier doit par tous les moyens tenter de remettre l’acte à la personne destinataire et doit notamment interroger son mandant (le créancier) quant à une éventuelle connaissance du lieu de travail du destinataire de l’acte.
En l’espèce, il ressort du compte rendu des diligences réalisées figurant dans l’acte que l’Huissier s’est contenté de constater que le nom du débiteur se trouvait sur la boîte aux lettres et de sonner. Il n’a pas vérifié l’exactitude de l’adresse (notamment en contactant une administration) et n’a non plus tenté de remettre l’acte au débiteur sur son lieu de travail.
De mauvaise foi, la caution prétendait ne pas connaître l’identité de l’employeur alors qu’elle sollicitait la saisie des rémunérations du débiteur et que ce dernier démontrait ne pas avoir changé d’emploi depuis bien longtemps et qu’il se trouvait sur son lieu de travail au jour de la signification.
Il sera d’ailleurs rappelé qu’en tant qu’organisme de caution, le CREDIT LOGEMENT a nécessairement examiné la solvabilité de l’emprunteur et s’est donc vu remettre les bulletins de paie de ce dernier.
La signification à personne (sur le lieu de travail du débiteur) était donc parfaitement possible excluant ainsi la possibilité de recourir à la signification à domicile.
Par ailleurs, il était indiqué sur l’acte qu’aucune personne susceptible de recevoir l’acte n’a été trouvé alors même qu’il est écrit un peu plus bas qu’un « avis de passage daté de ce jour, mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant et le nom de la personne ayant reçu la copie a été laissé au domicile du signifié ».
Le Tribunal a relevé ces irrégularités et jugé qu’elles avaient nécessairement causé grief (tort) au débiteur dès lors qu’elles avaient eu pour conséquence de le priver de la plénitude de son droit d’appel dont le délai d’un mois court à compter de la signification.
La nullité de l’acte de signification a donc été prononcée.
En l’absence de signification valide du jugement dans les 6 mois de sa date, le Juge l’a déclaré non-avenu en application de l’article 478 du Code de procédure civile de sorte que le créancier ne disposait plus d’un titre exécutoire et devait donc être débouté de sa demande de saisie des rémunérations.
C’est ainsi une économie de 24.685,82 € qui a été réalisée par le débiteur sur l’ensemble du dossier.