Bail à usage commercial et d’habitation : obligation pour le bailleur de délivrer un logement décent ! (Cass, civ., 3ème, 14-10-2009, n° 08-10.955).
Quelle est la teneur de l’arrêt rendu par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation le 14 octobre 2009 ?
Dans cette espèce, une SCI avait conclu un bail commercial avec un boulanger-pâtissier pour l’exploitation de son fonds de commerce. Le contrat prévoyait la mise à disposition de locaux pour partie à usage commercial et pour partie à usage d’habitation. Le commerçant avait établi sa résidence principale dans les lieux.
La question posée à la Haute juridiction était la suivante : dans une telle hypothèse, le bailleur est-il tenu de se conformer aux dispositions de l’article 1719, 1° du Code civil en vertu desquelles « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent (…) » ?
La réponse de la Cour de cassation est sans équivoque et confirme le raisonnement adopté par la Cour d’appel :
« Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs adoptés, que suivant contrat du 1er septembre 1989, la SCI avait donné à bail commercial à M. Z des locaux comprenant, au rez-de-chaussée, une pièce à usage de magasin, une cuisine et deux chambres et à la suite, séparés par une cour, une farinière et un fournil, et, au deuxième étage, trois pièces, une cuisine et un WC, et ayant constaté, par motifs propres, que M. Z avait son habitation principale dans une partie des lieux loués, la cour d’appel, abstraction faite d’un motif surabondant et sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que le bailleur était tenu de se conformer aux exigences de la loi relatives au logement décent délivré au locataire ».
Que faut-il retenir de cette décision ?
En présence d’un bail commercial mixte et si le preneur a établi son habitation principale dans les lieux, la partie des locaux afférente à cette habitation doit satisfaire aux caractéristiques d’un logement décent prévues par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l’application de l’article 187 de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
La qualification de bail commercial n’a donc pas pour effet d’exonérer le bailleur de l’obligation de délivrer un logement décent !
Il en irait toutefois différemment en cas de stipulation expresse dans le contrat de bail prévoyant l’interdiction pour preneur d’établir sa résidence principale dans les lieux (CA Versailles, 01-07-2014, n°13/08720).
L’obligation de délivrer un logement décent est d’ordre public. Les parties ne peuvent donc ni l’exclure, ni l’aménager dans le cadre de la rédaction du contrat de bail (Civ.,3ème, 4 juin 2014, n°13-17.289).
En vertu du décret du 30 janvier 2002 susvisé, satisfait à l’exigence de décence le logement qui remplit un certain nombre de conditions, parmi lesquelles :
- Assurer la santé et la sécurité du preneur, le protéger notamment des infiltrations d’eau et d’air, disposer d’une aération et d’un éclairement naturel suffisants… (art. 2) ;
- Comporter des éléments minimum d’équipement et de confort tels que le chauffage, l’eau potable, une cuisine ou un coin cuisine, une installation sanitaire et de toilette avec raccordement eau chaude/eau froide… (art. 3) ;
- Avoir une consommation en énergie inférieure à 450 kWh/m2 de surface habitable et par an (art. 3 bis) ;
- Disposer d’une surface et d’un volume habitable minimum (art. 4).
Le décret précise enfin que le logement qui fait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité ne peut être qualifié de logement décent (art. 5).
Quels risques pour le bailleur en cas d’indécence du logement ?
Si le logement est indécent, le bailleur manque à son obligation de délivrance (C. civ., art. 1719, 1°).
Cette inexécution contractuelle peut être sanctionnée de différentes manières.
Le bailleur pourra notamment être tenu de mettre les lieux en conformité avec les dispositions du décret du 30 janvier 2002 (une réduction du montant des loyers pourra être ordonnée pendant la réalisation des travaux), et ce, sans compter les dommages et intérêts qu’il pourrait avoir à verser au preneur en réparation de son préjudice.
En conclusion, compte tenu des enjeux liés à la qualification du contrat de bail et au régime juridique applicable, il est fortement recommandé d’être accompagné tant dans le cadre de la rédaction du contrat que dans le cadre de son exécution.