Vente d'immeuble à construire et retard : quelle valeur ont les clauses de prorogation du délai de livraison en cas de retard ?
Il arrive fréquemment dans le cadre d’une vente d’immeuble à construire que le bien soit livré avec retard.
Or en principe le vendeur d’un immeuble à construire doit le livrer dans le délai contractuellement prévu. L’article L261-11 du code de la construction et de l’habitation impose en effet que le contrat précise le délai de livraison.
Néanmoins il est possible pour les promoteurs de prévoir une clause de prorogation du délai de livraison.
Cette clause est assez dissuasive. Néanmoins ces clauses sont encadrées et en cas de retard il peut être utile d'étudier avec précision les conditions d'application.
Que doit prévoir la clause de prorogation du délai de livraison ?
La clause doit :
- distinguer les causes de retard répondant aux conditions de l’article 1218 du Code civil (force majeur) de celles qui n’y répondent pas mais peuvent toutefois conduire au report du délai de livraison.
- ces causes de retard doivent être en nombre limité
- lesdites causes doivent être précisément définies
- leur existence doit être justifiée par une attestation du maître d’œuvre ou par un organisme indépendant
- le délai de report doit être proportionné au temps pendant lequel le chantier a été paralysé
La rédaction de la clause est ainsi essentielle. Une clause mal rédigée peut être contournée.
En pratique quel type de clauses peut être considéré comme valable ?
A titre d’exemples a été considérée comme valable une clause prévoyant comme cause légitime de suspension les événements suivants (Cour d’appel de PARIS, 30 juin 2023, 20/17111) :
"- retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le vendeur à l'acquéreur au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le maître d'oeuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant) ;
- retards entraînés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci;
- retards provenant d'anomalies du sous-sol (telle que présence de source ou résurgence d'eau, nature du terrain hétérogène aboutissant à des remblais spéciaux ou des fondations particulières, découverte de site archéologique, de poche d'eau ou de tassement différentiel, tous éléments de nature à nécessiter des fondations spéciales ou des reprises ou sous-oeuvre d'immeubles avoisinants) et, plus généralement, tous éléments dans le sous-sol susceptibles de nécessiter des travaux non programmés complémentaires ou nécessitant un délai complémentaire pour leur réalisation"
Le TJ de BOULOGNE SUR MER a quant à lui validé une clause prévoyant les causes légitimes de suspension suivantes (TJ BOULOGNE SUR MER, CONTENTIEUX GENERAL, 11-06-2024, RG 22/02796) :
« - Intempéries prises en compte par les Chambres Syndicales Industrielles du Bâtiment ou la Caisse du bâtiment et des Travaux Publics, empêchant les travaux ou l'exécution des Voies et Réseaux Diverses (VRD) selon la réglementation des chantiers du bâtiment.
- Des jours de retard consécutifs à une grève générale ou partielle affectant le chantier ou les fournisseurs.
- Retard résultant de la liquidation des biens ou du placement de l'une des entreprises sous le régime du redressement ou de la liquidation judiciaire -Retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par la société venderesse à l'acquéreur au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressé par le maître d'œuvre du chantier à l'entrepreneur défaillant)
- Retards entraînés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci.
- Retards provenant d'une anomalie du sous-sol -Injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux, à moins que lesdites injonctions ne soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au vendeur
- Troubles résultant d'hostilités, cataclysmes, accident de chantier -Retards imputables aux compagnies concessionnaires
- Retards de paiement de l'acquéreur
Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l'organisation générale du chantier.
Dans un tel cas, la justification de la survenance de l'une de ses circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du Maître d'œuvre »
Cette clause est intéressante. Elle est en effet assez large, mais néanmoins limitée à des cas particuliers.
Par ailleurs le retard de livraison est proportionné.
Il est ainsi nécessaire de procéder à une étude au cas par cas.
De plus même si les clauses sont valables il convient de vérifier avec précision les conditions d’application, et notamment les pièces justifiant l’application de la clause. La question de la preuve sera un élément essentiel.