Quel est le point de départ du délai de prescription lorsqu’une action en responsabilité est consécutive à autre litige ? (Cour de cassation, chambre mixte, 19 juillet 2024, pourvoi n°22-18.729)
L’article 2224 du Code civil dispose que le délai de prescription commence à courir dès l’instant où la personne a connaissance ou devait avoir connaissance des faits qui la rendent légitime à engager une action en justice.
Cet article donne lieu à un abondant contentieux.
Un cas de figure se rencontre souvent : une décision de justice peut trancher une situation et faire naître une éventuelle responsabilité ou coresponsabilité.
Dans ce cas à quelle date doit être fixé le point de départ de la prescription de l’éventuelle action en responsabilité ou garantie ?
Telle était la question débattue devant la Cour d’appel de LYON.
Dans cette espèce une personne physique ayant racheté la créance de sa sœur, et n’étant pas remboursée, a souhaité recouvrer le montant de celle-ci.
Cependant elle n’a pas été informée par le rédacteur de l’acte de cession de créances que celui-ci n’avait pas d’effet interruptif de prescription.
Elle a par conséquent assigné sa sœur après que le délai de prescription soit expiré. Le Tribunal judiciaire a retenu cet argument.
Quelques années plus tard elle a souhaité assigner le rédacteur de l’acte de cession de créances.
Le conseil du rédacteur de l’acte a soulevé la prescription qui n’avait commencé à courir selon lui non pas au jour du jugement ayant tranché la question de la prescription, source de responsabilité du rédacteur de l’acte, mais au jour de la communication des conclusions ayant soulevé la prescription.
Un pourvoi a alors été formé.
La décision de la Cour d’appel de LYON suite aux arrêts rendus par la Chambre mixte en date du 19 juillet 2024 ne peut qu’être remise en cause.
Quels ont été les questions posées à la Cour de cassation ?
La Chambre mixte de la Cour de cassation a eu à répondre à deux questions :
- Quel est le point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité lorsque cette même action vise à réparer un dommage dont l’existence est débattue dans le cadre d’une autre procédure ?
- S’agit-il d’un point de départ unique en toute hypothèse ou au contraire variable en fonction de la nature du litige ?
Quelle a été la position de la Cour de cassation ?
La Cour de cassation a opéré une distinction entre deux cas de figures.
Tout d’abord si l’action vise à réparer un préjudice dont l’existence est en lien avec une première action en justice le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de sa condamnation, et plus précisément au jour où la décision est devenue définitive.
En revanche s’il s’agit d’un appel en garantie, c’est-à-dire qu’une personne peut potentiellement appeler en garantie des coresponsables, le délai commence à courir à compter du jour auquel une action en justice est engagée contre elle.
Cette solution est en équité incontestable.
En effet dans le premier cas il n’est pas possible d’exiger du justiciable qu’il assigne en responsabilité un tiers alors que dans le cas de la procédure principale il a une position qui, si elle est retenue, exclue l’existence d’un préjudice.
Dans le deuxième cas en revanche cela permet de traiter l’ensemble du litige lors d’un même procès.
Est-ce que cette solution est transposable à l’arrêt de la Cour d’appel de LYON, 6e chambre du 27 Octobre 2022 ?
La réponse est sans aucun doute affirmative.
En effet l’action initiale du cédant à l’acte de cession de créances visait à obtenir le paiement de sa créance.
A partir du moment où la juridiction a considéré que la créance était éteinte cela a fait naître un dommage en lien avec la faute du rédacteur de l’acte de cession de créance.
C’est donc à la date à laquelle le jugement est devenue définitif que le délai de prescription a commencé à courir.
L’arrêt de la Cour d’appel de LYON, 6e chambre, du 27 Octobre 2022, doit par conséquent être cassé.