Comment indemniser le préjudice lié à l’obligation de vendre des actions du fait de la faute de son cocontractant ou d’un tiers (Cour d’appel de LYON, 1er Chambre civile B, 24 Septembre 2024, RG 23/07189) ?
Le préjudice lié à l’obligation de vendre des actions du fait de la faute de son cocontractant ou d’un tiers est difficile à évaluer.
Dans une espèce plaidée par le cabinet Monsieur X avait ouvert un compte titre par l’intermédiaire duquel il a donné plusieurs ordres avec service de règlement différé (SRD) et prorogation des engagements au titre de l’exécution de ces ordres.
La Banque a vendu les titres en raison d’un défaut de couverture alors même que ce défaut résultait de sa propre faute.
Dans un premier temps la Cour d’appel de LYON a débouté Monsieur X (Cour d’appel de LYON, 21 février 2019, RG 16/3917) énonçant :
« attendu dans ces conditions que faute pour lui d’établir un préjudice direct et certain résultant des pertes de chances alléguées, en relation de causalité avec le manquement contractuel imputable à la société B CAPITAL, la responsabilité de celle-ci ne peut être engagée, étant observé que l’appelant ne sollicite pas la réparation d’autres préjudices pouvant découler de ce manquement ; qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il déboute de ses demandes de dommages-intérêts ».
Un pourvoi a été formé à l’encontre de cette décision.
Par arrêt de la Cour de cassation en date du 15 mars 2023 (RG 21-19.685) la cour de cassation a cassé la décision, considérant « il résulte de ce texte que celui par la faute duquel un dommage est causé doit réparer le préjudice qui en découle sans qu’il en résulte pour la victime perte ou profit.
Pour rejeter la demande d’indemnisation de Monsieur X, l’arrêt retient que, si la société B CAPITAL a bien commis un manquement contractuel en ne rendant pas compte à son mandant des difficultés rencontrées pour le transfert des deux comptes ouverts auprès de la société Swisslife, d’une part, Monsieur X ne produit aux débats aucun élément relatif au blocage du compte-titres, ni même ne soutient son caractère fallacieux, alors qu’il est le seul à détenir des renseignements à ce sujet, d’autre part, que la preuve de la possibilité d’un transfert du compte PEA n’est pas rapportée.
En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à démontrer l’absence de toute probabilité pour M X soit de trouver une autre couverture soit de diminuer fortement ou annuler ses positions en report acheteur, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale ».
C’est dans ces conditions que l’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de LYON autrement composée.
La Cour d’appel a confirmé l’existence d’une faute de la société B CAPITAL.
Se posait alors la question de l’évaluation du préjudice.
Comment évaluer un préjudice en lien avec la perte d’actions ?
Le préjudice consiste en la perte de chance d’avoir pu conserver les actions jusqu’au jour de la décision.
La difficulté principale de ce type de préjudice résulte dans le caractère fluctuant de la valeur des actions.
Une méthode peut consister à retenir le cours moyen de l’année précédent la décision. A ce cours il faut appliquer un pourcentage correspondant à la probabilité que la victime avait de conserver les actions jusqu’au jour de la décision.
Pour fixer cette probabilité il va falloir se baser sur les habitudes de l’investisseurs concernant ce type d’investissement : est ce que l’investisseur habituellement conserve ses actions sur une longue durée ?
Cela doit bien sûr être démontré.
La cour d’appel a suivi ce raisonnement pour évaluer ce poste de préjudice.
Est-ce que d’autres postes de préjudices doivent être pris en considération ?
En lien avec le poste de préjudice précédent il existe un préjudice résultant de la perte de chance de réinvestir les plus-values dans l’achat de nouveaux titres et, partant, de bénéficier de nouvelles plus-value et dividende.
Pour évaluer ce poste il peut être pris en considération l’évolution d’un indice, par exemple le CAC 40 si les actions étaient cotées sur ce marché, et la moyenne des dividendes par actions distribuées sur cette période.
En principe plus le pourcentage lié à la perte de chance de conserver les actions est faible, plus le pourcentage lié à la perte de chance de réinvestir la plus-value doit être important.
Là encore il est important d’apporter des éléments sur les habitudes d’investissements de la victime.
Comment dans tout dossier de responsabilité contractuelle et délictuelle l’évaluation du préjudice est un point essentiel, et il conviendra d’apporter une démonstration de son existence particulièrement complète.