Licenciement fondé sur un fait tiré de l'intimité de la vie personnelle : Cass.soc. 25 septembre 2024, n°22-20.672
Dans quelle mesure un employeur peut-il sanctionner un salarié pour des faits relevant de sa vie personnelle ?
Le principe est qu’un licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale – telle que le respect de la vie privée – est susceptible d’être annulé (Article L. 1235-3-1 du Code du travail).
Néanmoins, lorsque le fait tiré de la vie personnelle du salarié caractérise un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, le licenciement peut être justifié.
Quels sont les faits de cet arrêt ?
Alors qu’il était dans son véhicule personnel sur la voie publique et en dehors de son service, un agent de la RATP est arrêté par la police pour détention de cannabis.
En raison des risques susceptibles d’être générés pour les voyageurs, les services de police décident de transmettre à l’employeur le rapport du contrôle de police.
La RATP le licencie alors pour faute grave.
Le salarié conteste son licenciement et demande à ce qu’il soit annulé estimant que cet évènement relève de sa vie privée.
La Cour d’appel de Paris suit le salarié dans son argumentation et juge le licenciement nul.
Quelle est la position de la Cour de Cassation ?
La Cour de cassation censure la décision d’appel en jugeant que le motif de licenciement « était tiré de la vie personnelle du salarié sans toutefois relever de l’intimité de sa vie privée ».
Elle opère ainsi une distinction entre l’« intimité de la vie privée », dont la violation entraîne la nullité de la sanction car constituant une liberté fondamentale et la « vie personnelle » du salarié, dont la violation prive simplement la rupture de cause réelle et sérieuse.
Elle considère ainsi que les faits d’espèce, à savoir la détention de produits stupéfiants par un salarié à un bord de son véhicule personnel sur la voie publique, s’ils sont effectivement tirés de la vie personnelle du salarié, ne constituent pas pour autant une atteinte à une liberté fondamentale justifiant la nullité du licenciement.
Elle juge malgré tout le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse car ne constituant pas un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Quelle est la portée de cette décision ?
Cette jurisprudence permet de considérer que l’intimité de la vie privée – constituée notamment par les relations de couple, de filiation, sexuelles, au secret des correspondances et à l’inviolabilité du domicile – recouvre une notion plus restreinte et plus protégée que la vie personnelle.
Un licenciement fondé sur des faits tirés de l’intimité du salarié, considéré comme le « noyau dur » de la vie personnelle, risque ainsi l’annulation par les juridictions compétentes. A l’inverse d’un licenciement fondé sur des faits tirés simplement de la « vie personnelle » au sens large qui risque le défaut de cause réelle et sérieuse.