Déchéance du droit du prêteur de se prévaloir d’un engagement de caution disproportionné : décision de la Cour d’appel de LYON en date du 23 mai 2019 RG n° 17/08031
Par contrat en date du 22 février 2012, le CREDIT MUTUEL a consenti à une SARL un prêt professionnel d’un montant de 70.000 €.
Les deux dirigeants de la société se sont portés cautions solidaires à hauteur de 84.000 € chacun, montant couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités et/ou intérêts de retard pour une durée de 9 années.
La SARL n’a toutefois pas été en mesure d’honorer les échéances de son emprunt de sorte que l’établissement bancaire a été contraint de mettre en demeure les cautions de régler les sommes dues.
Le Tribunal de commerce de LYON a finalement prononcé la liquidation judiciaire de la société.
Le prêteur a par la suite fait assigner les cautions en paiement de la somme de 37.734,31 € outre intérêts au taux conventionnel majoré de trois points à compter du 26 janvier 2017.
Les cautions représentées par la SCP DESBOS BAROU ont soulevé plusieurs arguments en défense dont la disproportion manifeste de leur engagement par rapport à leurs biens et revenus. Conformément aux dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la consommation et la jurisprudence, cette disproportion s’apprécie au jour de l’engagement de caution sauf à ce que le prêteur démontre que la situation financière de la caution au jour de son actionnement lui permet de faire face à son engagement.
Par jugement du 18 octobre 2017, le Tribunal de commerce de LYON a jugé que l’établissement bancaire en ne produisant pas aux débats une fiche de renseignements concernant la situation financière et patrimoniale des cautions lors de la signature de leurs engagements a commis une faute ; en démontrant la précarité de leurs situations financières lors de la signature de leurs engagements et postérieurement à l’appel des cautions, ces dernières établissent de la disproportion de leurs engagements au sens de l’article L. 341-4 du code de la consommation ; en ne respectant ses obligations contractuelles selon les modalités de l’article L. 313-22 du Code Monétaire et Financier, le demandeur est défaillant dans ses engagements vis-à-vis des cautions ; par ses manquements contractuels, la banque a engagé sa responsabilité qui génère le paiement de dommages et intérêts aux cautions qui seront limités au montant dû par celles-ci.
Si la sanction appliquée par la juridiction n’était juridiquement pas celle prévue par les textes s’agissant du caractère manifestement disproportionné du cautionnement, la position protectrice de la juridiction consulaire ne pouvait qu’être saluée.
Sans surprise, le prêteur a interjeté appel de cette décision.
La Cour d’appel de LYON composée de juges professionnels a bien évidemment relevé les lacunes juridiques du jugement de première instance tout en parvenant à une décision en faveur des cautions en retenant que les cautionnements étaient, au jour de leur souscription, manifestement disproportionnés aux biens et revenus de chacun des dirigeants cautions et de leurs épouses respectives.
Il a ainsi été retenu pour la première caution des revenus limités à 8.938 € ainsi qu’un patrimoine immobilier financé à crédit estimé à 40.000 € au jour de l’engagement de caution.
Concernant la seconde caution, la juridiction d’appel mentionne des revenus de 9.371 €.
L’engagement à hauteur de 84.000 € était bien évidemment manifestement disproportionné.
Par ailleurs, la Cour a constaté que le prêteur ne démontre pas que la situation des cautions au jour de l’envoi du courrier de mise en demeure leur permettrait de faire face à leur engagement.
Dans ces conditions, le Cour d’appel a donc jugé que l’établissement bancaire devait être déchu de son droit de se prévaloir des engagements de caution litigieux et l’a débouté de sa demande de condamnation.
C’est ainsi une économie de 37.734 € réalisée par les cautions solidaires.