La Loi Macron n°2015-990 du 6 août 2015 a introduit le prêt inter-entreprise. Il s’agit d’un outil efficace pour obtenir de la trésorerie mais il convient de ne pas faire n’importe quoi.
Un tel prêt, si les conditions ne sont pas respectées, et s’il est dans l’intérêt unique d’une autre société appartenant au dirigeant, peut être qualifié d’abus de bien sociaux.
De même en cas de placement en liquidation judiciaire du prêteur ce prêt peut entraîner la qualification de faute de gestion, et donc une action en comblement de passif. Dès lors il parait important d’étudier en détail les conditions du prêt inter-entreprise.
1°) Définition du prêt inter-entreprise
L’alinéa 3 bis de l’article L511-6 du code monétaire et financier dispose :
« L’interdiction relative aux opérations de crédit ne s’applique pas (…)Aux sociétés commerciales dont les comptes du dernier exercice clos ont fait l'objet d'une certification par un commissaire aux comptes ou qui ont désigné volontairement un commissaire aux comptes dans les conditions définies au II de l'article L. 823-3 du code de commerce et qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de trois ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant. L'octroi d'un prêt ne peut avoir pour effet d'imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-10 à L. 441-13 du code de commerce. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions et les limites dans lesquelles ces sociétés peuvent octroyer ces prêts »
Cet article permet des prêts interentreprise entre sociétés commerciales : le prêteur doit être une SA, SAS et SARL, dont les comptes ont fait l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes.
Si cette première condition tenant aux personnes est remplie, le prêt est possible entre sociétés économiquement ou commercialement liés, et à condition de respecter certains seuils comptables.
Que faut-il entendre par lien économique ? Quand retenir l’existence d’une relation commerciale entre les deux entreprises ? Quels sont les seuils et limites applicables à l’octroi des prêts inter-entreprises ?
2°) Prêt inter-entreprise : que faut il entendre par lien économique ?
L’article R511-2-1-1 du code monétaire et financier définit ce qu’il faut entendre par entreprise économiquement liée.
Tout d’abord deux entreprises seront considérées comme économiquement liées lorsqu’elles sont membres d’un même GIE ou d’un même groupement attributaire d’un marché public ou d’un même groupement attributaire d’un contrat de la commande publique.
Il en va de même si les deux sociétés ont bénéficié, au cours des deux derniers exercices, ou bénéficie d’une subvention publique dans le cadre d’un même projet associant les deux entreprises et, le cas échéant, d’autres entités.
Enfin un lien économique existe lorsqu’il existe un lien de sous-traitance entre la société prêteuse et emprunteuse.
3°) Prêt interentreprise : Quand retenir l’existence d’un lien commerciale entre les deux sociétés ?
Un prêt interentreprise peut être octroyé s’il existe un lien commerciale entre le prêteur et l’emprunteur.
Le décret n°2016-501 du 22 avril 2016 précise tout d’abord que tel est le cas si l’entreprise prêteuse a consenti à l’entreprise emprunteuse ou un membre de son groupe une concession de licence d’exploitation de brevet ou de marque, une franchise ou un contrat de location gérance.
Tel sera aussi le cas si l’entreprise prêteuse est cliente de l’entreprise emprunteuse ou d’un membre de son groupe.
Enfin la dernière hypothèse est celle d’une société tierce interposée. Le prêteur et l’emprunteur ont chacun une relation commerciale avec cette société ce qui entraîne un lien commercial indirect.
4°) Quels sont les seuils et limites applicables aux prêts interentreprises ?
L’article R511-2-1-2 du code monétaire et financier prévoit certaines limites à l’octroi de ces prêts inter-entreprises, lesquels ne peuvent en effet être accordés qu’en respectant certaines conditions :
- à la date de clôture de chacun des deux exercices comptables précédant la date d’octroi du prêt, les capitaux propres de l’entreprise prêteuse sont supérieurs au montant du capital social et l’excédant brut d’exploitation est positif
- la trésorerie nette constatée à la date de clôture de chacun des deux exercices comptables de l’entreprise précédent la date d’octroi du prêt est positive
- le montant en principal des prêts interentreprises accordés par une même entreprise au cours d’un exercice comptable ne peut être supérieur à un plafond égal au plus petit des deux montants suivants :
- 50 % de la trésorerie nette ou 10 % de ce montant calculé sur une base consolidée au niveau du groupe de sociétés auquel appartient l’entreprise prêteuse,
- 10 millions d’euros, 50 millions d’euros ou 100 millions d’euros pour les prêts accordés respectivement par une PME, une ETI (entreprise de taille intermédiaire) ou une grande entreprise
Par ailleurs le montant par entreprise et par exercice comptable du prêt est également limité. C’est ainsi que celui-ci ne doit être supérieur à 5% du plafond précédent, ou 25% dans la limite de 10.000 €.
Ces seuils montrent qu’il soit s’agir d’un prêt de « dépannage », et en aucun cas un moyen de déplacer de la trésorerie d’une société moribonde vers une société en meilleur santé financière.
En tout état de cause il convient d’utiliser ces prêts avec précaution, et de bien se renseigner en amont sur la conformité de ces prêts à la législation.