Rupture sans préavis d'ouverture de crédit en compte courant (TC LYON, 30 mars 2020, référé d'heure à heure)
En ces temps de confinement, la machine judiciaire fonctionne au ralenti. A LYON, seules sont maintenues, en matière civile et commerciale, les audiences de référé d’heure à heure. Encore faut-il que les conditions d’une telle procédure soient remplies pour espérer obtenir une décision à brefs délais.
La procédure de référé d’heure à heure est régie par les dispositions de l’article 485 du Code de procédure civile qui prévoit en son second alinéa que si le cas requiert célérité, le Juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés. Cette procédure est donc réservée aux cas les plus urgents.
Si tel est le cas, une requête à fin d’autorisation d’assigner en référé d’heure à heure doit être adressée au Président de la juridiction accompagnée d’un projet d’ordonnance. Une fois l’autorisation obtenue par ordonnance, l’assignation est délivrée à la partie adverse.
Grâce à cette procédure, la SCP DESBOS BAROU a pu mettre un terme immédiat à la pratique totalement illégale de la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS ayant supprimé purement et simplement l’accès en ligne d’un de ses clients à ses comptes courants et résilié son ouverture de crédit en compte courant.
La société B avait en effet confié ses comptes audit établissement bancaire par convention de gestion de compte courant. Elle avait également signé une ouverture de crédit en compte courant d’un montant de 100.000 €. Or, à compter du 4 mars 2020, l’ensemble des accès internet de la société B ainsi que l’ouverture de crédit en compte courant étaient supprimés.
Dès le 6 mars 2020, le dirigeant de ladite société demandait des explications, demande renouvelée à plusieurs reprises. Le 11 mars 2020, la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS était mise en demeure par l’intermédiaire du Conseil de la société B d’avoir à rétablir les comptes ainsi que l’ouverture de crédit en compte courant, et ce sous 24h.
Ce n’est que le 13 mars 2020 que le dirigeant recevait un courrier de la Banque dans lequel cette dernière indiquait procéder à la dénonciation immédiate des encours en raison d’un prétendu comportement gravement répréhensible de la société B et ce en application des dispositions de l’article L. 313-12 du Code Monétaire et Financier.
Cette possibilité de dénonciation immédiate ne constitue toutefois qu’une exception au principe fixé par ledit article selon lequel l’ouverture de crédit en compte courant accordée ne peut être interrompue que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. En l’espèce, il était prévu aux conditions générales que « conformément à l’arrêté n°2005-1743 du 30 décembre 2005, portant application de l’article L313-12 du Code monétaire et financier, disposant d’un préavis à observer en cas de réduction ou d’interruption des crédits d’exploitation à durée indéterminée, ce préavis est fixé à 60 jours pour tous les crédits consentis ». L’établissement bancaire était donc tenu de respecter un préavis de 60 jours pour interrompre le crédit sauf démonstration d’un comportement gravement répréhensible et non simplement fautif.
La jurisprudence retient rarement ce comportement, excepté dans le cas d'une faute pénale.
En l’absence de comportement gravement répréhensible démontré, la Banque ne pouvait interrompre l’ouverture de crédit en compte courant qu’après respect d’un préavis de 60 jours conformément aux conditions générales applicables.
La chambre commerciale de la Cour de cassation fait également application des dispositions de l’article L. 313-12 du Code Monétaire et Financier susmentionné en cas de dénonciation d’une convention de compte courant (Cass. Com. 14 juin 2016, n° 14-17.121). L’établissement bancaire est donc là encore tenu de respecter le préavis prévu au contrat. Et pour cause, une résiliation immédiate du compte courant entraînerait dans les faits une résiliation immédiate de l’ouverture de crédit.
S’agissant de la procédure choisie pour voir condamnée la Banque, la saisine du Président du Tribunal de Commerce en référé d’heure à heure était justifiée par le fait que la situation de la société B devenait extrêmement compliquée puisque ne bénéficiant plus de l’accès à ses comptes ni de l’ouverture de crédit en compte courant d’un montant de 100.000 €. La gestion de ladite société était donc totalement paralysée.
En l’absence d’explications valables quant à ce prétendu comportement gravement répréhensible, le Président du Tribunal de Commerce de LYON a par ordonnance du 30 mars 2020 fait droit aux demandes de la société B et condamné la Banque, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision, de laisser le libre accès à la société B à ses comptes bancaires et maintenir l’ouverture de crédit par découvert en compte courant et ce pendant un délai de 60 jours à compter de la réouverture effective des accès.