Comment agir en concurrence déloyale ?
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui (…) » (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, article 4).
Si la liberté de la concurrence permet aux acteurs économiques de se disputer une clientèle ou un marché, c’est à la condition qu’ils ne fassent pas usage de procédés déloyaux pour parvenir à leurs fins.
Le concept juridique de « concurrence déloyale » vise à sanctionner ce type de comportement.
1. Agissements déloyaux
Sans que la liste ne soit exhaustive, la Doctrine a identifié quatre catégories de fautes susceptibles de donner lieu à une action en concurrence déloyale :
- Le dénigrement : diffusion de propos péjoratifs visant les produits ou les services d’un tiers ;
- La confusion : imitation du concurrent qui conduit à créer une confusion dans l’esprit du public (ex. imitation de la dénomination sociale, d’un produit, d’un moyen de publicité…) ;
- La désorganisation : ensemble de comportements qui conduisent à la désorganisation de l’entreprise concurrente ou du marché (ex. appropriation de salariés, du savoir-faire…) ;
- Le parasitisme : « consiste, pour un opération économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (Com. 10-07-2018, n°16-23.694).
A défaut de disposition spécifique, la concurrence déloyale est sanctionnée sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle. La victime doit être en mesure d’apporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité (C. civ., art. 1240, 1241 ; 1382, 1383 anciens). Cette action se prescrit par cinq ans à compter de la connaissance réelle ou supposée des faits litigieux (C. civ. art. 2224).
Cette action peut viser différents objectifs. La réparation du préjudice subi par la victime (généralement une perte de clientèle) bien sûr, mais aussi et surtout la cessation des pratiques déloyales.
2. Charge de la preuve
C’est à la victime d’apporter la preuve du comportement déloyal de son concurrent (C. civ. art. 1353, C. Proc. civ. art. 9), ce qui n’est pas forcément chose aisée.
En matière de faits juridiques, la preuve peut être apportée par tous moyens, sous réserve de sa licéité.
3. Actions
3.1. Se constituer des preuves avant procès : le recours à l’article 145 du Code de procédure civile
Dans un premier temps, il pourra être conseillé à la victime de saisir le juge d’une demande de mesure d’instruction afin de se constituer des preuves et d’évaluer les chances de succès de son action en justice (C. Proc. civ. art. 145).
Le juge pourra, par exemple, ordonner une expertise, un constat d’huissier, ou encore la saisie de documents chez l’adversaire potentiel.
Pour recourir à cette procédure, la victime devra justifier d’un « motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige » (C. Proc. civ. art. 145 précité).
En ce sens, la victime devra être en mesure de justifier de la crédibilité de son action judiciaire future.
La mesure d’instruction ordonnée par le juge devra être proportionnée à l’objectif poursuivi et ne pas porter une atteinte excessive aux droits fondamentaux (ex. le secret des affaires, le droit au respect de la vie privée…).
Il faudra donc veiller à ce qu’elle soit circonscrite quant à son objet et à sa durée. En vue de protéger le secret des affaires, le juge pourra notamment ordonner le placement des documents saisis sous séquestre provisoire (C. com. art. L151-1 et suiv. ; R153-1 et suiv.).
La procédure pourra être menée en présence de l’adversaire (procédure de référé) ou hors la présence de l’adversaire et à son insu (procédure sur requête).
Dans ce dernier cas, l’adversaire ne sera informé de la mesure que lorsque l’huissier de justice ou l’expert désigné se déplacera pour l’exécuter.
En raison de sa nature non contradictoire, la procédure sur requête est rigoureusement encadrée par les textes.
Elle est généralement utilisée lorsqu’il existe un risque avéré de destruction ou de dépérissement des preuves.
La victime qui entend agir sur requête devra justifier par écrit « de l’existence d’un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement » (Civ. 2ème, 20-04-2014, n°13-11.135).
L’ordonnance rendue par le juge devra également être motivée sur ce point.
A défaut, et si le juge fait droit à la mesure d’instruction, l’adversaire pourra obtenir la rétractation ou la modification de l’ordonnance par la voie du référé-rétractation. Cette action n’est enfermée dans aucun délai (Civ. 2ème, 26-11-1990, n°89-18.207).
3.2. Obtenir rapidement la cessation des pratiques litigieuses : le référé
Concomitamment à la demande de mesure d’instruction, il pourra être envisagé de saisir le juge des référés afin d’obtenir rapidement une décision provisoire ordonnant par exemple, la cessation sous astreinte des pratiques concurrentielles déloyales (C. proc. civ. art. 834, 835 ; 872 et 873).
3.3. Obtenir une décision de condamnation définitive : le juge du fond
Le juge du fond sera saisi dans un second temps afin d’obtenir une décision définitive sur la responsabilité du concurrent.
In fine, l’action en concurrence déloyale pourra permettre à la victime d’obtenir :
- La réparation de son préjudice par l’allocation de dommages et intérêts ;
- La cessation des pratiques constitutives de concurrence déloyale (au besoin sous astreinte) ;
- L’information du public.
Le juge pourra en effet condamner le concurrent déloyal à supporter la publication de la décision de condamnation à ses frais.