Les clauses de non sollicitation de personnel (article paru dans la Tribune de LYON)
Dans certains secteurs le marché de l'emploi est très tendu. Il arrive que des sociétés tentent de débaucher les salariés d'un prestataire intervenant dans leurs locaux. Lorsqu’elles sont stipulées, les clauses de non-sollicitation de personnel peuvent alors être invoquées.
- Qu'est-ce qu'une clause de non-sollicitation de personnel ?
La clause de non-sollicitation de personnel peut figurer dans le contrat liant le client et son prestataire (conditions particulières et générales, engagement unilatérale). Elle interdit au contractant de solliciter les collaborateurs de l'autre, ou de répondre à l'une quelconque de leur sollicitation. Elle se rencontre dans des contrats de prestation qui font en général appel à de hauts niveaux de qualification.
- Quel est l’intérêt de cette clause ?
Si un collaborateur du prestataire est embauché en violation de la clause, une indemnité financière fixée par la clause doit être versée par le nouvel employeur (sauf modération par le juge). Son montant est suffisamment important pour être dissuasif et ainsi éviter la fuite du savoir faire de l’entreprise vers des sociétés offrant des services similaires. D’un point de vue juridique elle offre plus de libertés qu'une clause de non-concurrence classique insérée dans le contrat d'un salarié. Il s'agit d'une clause conclue entre deux sociétés, et il n'est donc par exemple pas nécessaire de prévoir une contrepartie financière pour le salarié concerné. Cependant il convient de la rédiger avec mesure car, si elle est trop large, on peut envisager que le salarié intervenant au titre de la prestation engage une action en responsabilité contre le créancier de la clause en réparation du préjudice causé par ladite clause. Par ailleurs ces clauses doivent être précises, car considérées par la Cour de cassation comme étant d'interprétation stricte.
- Est-ce que la pénalité visée par la clause est automatiquement due ?
La contrepartie financière est considérée par la jurisprudence comme étant une clause pénale. Cela signifie que les juges se réservent le pouvoir de la modérer. Ils vont ainsi prendre en considération le préjudice réel subi par le créancier de l'indemnité. Rentrera d'abord en considération la difficulté pour recruter un salarié de compétence équivalente : dans certain secteur il convient de faire appel à un chasseur de tête, de participer à des événements, de dédier une équipe en interne à ces recrutements. Cela a un coût qui doit être chiffré. Ensuite doit être pris en compte la perte de chiffre d'affaires : le salarié intervenait en effet sur une prestation. Parfois son départ entraîne la perte de la prestation, ou la perte de chance de réaliser une prestation équivalente pendant le temps du recrutement d'un remplaçant, qui peut être long. La notion de préjudice réel subi est importante : si le salarié débauché n'a aucune qualification particulière, et qu'il peut être aisément remplacé, il est certain que le créancier de la clause aura des difficultés à invoquer une indemnité importante et ce même si une indemnité dissuasive est fixée au contrat. Par ailleurs les juges prennent aussi en compte le rôle comminatoire de ces clauses et vont ainsi souvent bien au-delà du préjudice subi.