Comment mettre un terme à un contrat de location financière en cas d'inexécution du contrat de maintenance (photocopieur, matériel...) ?
De nos jours, nombreuses sont les entreprises qui ont recours à la « location financière » pour s’équiper en matériel.
Qu’est-ce qu’un contrat de location financière ?
La location financière est un contrat par lequel une entreprise (le preneur) loue son matériel auprès d’une autre (le bailleur) qui l’aura préalablement acquis auprès d’un tiers (le fournisseur), moyennant le paiement d’un loyer. A terme, le matériel est restitué par le preneur au bailleur. Il s’accompagne généralement d’un contrat de prestation de services, tel un contrat de maintenance du matériel, conclu avec le fournisseur ou avec une entreprise tierce.
Ce contrat est fréquemment utilisé pour satisfaire le besoin des entreprises en matériels de bureau et d’informatique, exemples : contrat de location de matériel informatique accompagné d’un contrat de télésauvegarde des fichiers informatiques ; contrat location d’une installation de téléphonie accompagné d’un contrat d’entretien ; contrat de location d’un pack informatique accompagné de prestations de services de maintenance et télémaintenance ; contrat de location de matériel de bureau (type photocopieur) accompagné d’un contrat de maintenance etc…
L’entreprise preneuse est donc amenée à conclure deux types de contrats, avec deux acteurs différents : l’un pour la location du matériel (le contrat de location financière), l’autre pour assurer, par exemple, sa maintenance (le contrat de prestation de services), de telle sorte que l’on se trouve en présence d’un « ensemble contractuel ».
Quelle est l’articulation entre ces deux contrats ? En particulier, que se passe-t-il si le preneur est amené à résilier le contrat de prestation de services qui ne lui donne pas satisfaction ?
Si le contrat de prestation de services ne donne pas pleine et entière satisfaction ou qu’il n’est pas exécuté, le preneur va en solliciter la résiliation et se retrouver avec un matériel dont la maintenance ou l’assistance n’est plus assurée. Ce matériel ne pourra donc plus fonctionner mais le preneur sera toujours tenu de payer le bailleur. Il va donc chercher à mettre un terme au contrat de location financière en plaidant que ces contrats sont indivisibles et que la résiliation de l’un doit entraîner la résiliation de l’autre.
Pour se protéger, les bailleurs ont largement inclut dans leurs contrats des clauses de « divisibilité » destinées à exprimer une indépendance entre le contrat de location et le contrat de prestation de services et permettre au contrat de location de subsister malgré l’anéantissement de l’autre contrat.
La jurisprudence a mis un terme à cette pratique.
Pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 (soit avant l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats), la Chambre mixte de la Cour de cassation avait affirmé que ces contrats étaient interdépendants et que les clauses contraires devaient être réputées non écrites :
« Sur le moyen unique, pris en sa première branche Vu l’article 1134 du code civil
Attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
De la sorte, il était possible au preneur de mettre un terme au contrat de location financière sans qu’on ne puisse lui opposer la clause de divisibilité insérée au contrat.
Pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016, le législateur est intervenu pour régir le sort des ensemble contractuels.
Les alinéas 2 et 3 du nouvel article 1186 du Code civil prévoient en effet que :
« Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. »
Sur ce fondement, il est donc possible au preneur, y compris pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016, de mettre un terme au contrat de location financière à la condition de prouver que le bailleur avait connaissance de l’opération d’ensemble (et donc du contrat de prestation de services) au moment de la conclusion du contrat.
Restait pour la jurisprudence à se positionner sur le sort d’une clause de « divisibilité » qui aurait été insérée dans le contrat de location financière.
Par un arrêt en date du 10 janvier 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu à cette interrogation :
« Réponse de la Cour
Vu l'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil :
5. Selon ce texte, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
6. Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
7. Dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance.
8. Pour constater la résiliation de plein droit du contrat de location conclu le 27 octobre 2016 aux torts de l'association, la condamner à payer diverses sommes à la société Leasecom et rejeter ses demandes de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'article 5 du contrat de location stipule que le locataire assume à ses frais pendant la durée de la location la charge de l'entretien et de la maintenance de l'équipement, qu'aux termes de l'article 6, à défaut d'exécution du contrat de maintenance ou de prestation de services conclu avec un tiers par le locataire, celui-ci s'engage à faire assurer sans délai la maintenance ou les prestations par un autre prestataire et qu'en cas d'anéantissement d'un contrat de maintenance ou de prestation de services affectant le contrat de location, celui-ci ne peut qu'être résilié, le locataire étant redevable d'une indemnité de résiliation. Il ajoute que si les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, il n'existe, en l'espèce, une interdépendance qu'entre le contrat de fourniture du matériel et le contrat de financement portant sur le matériel acquis par la société Leasecom, l'article 5 du contrat de location confirmant que celle-ci n'inclut pas le contrat de maintenance qui relève de la seule responsabilité du locataire et que si l'association n'était pas tenue de conclure un nouveau contrat de maintenance avec la société cessionnaire du fichier de clientèle de la société SMRJ, il lui appartenait d'en conclure un nouveau avec la société de son choix, de sorte que l'association n'était pas exposée à la situation d'anéantissement du contrat de maintenance qui sous-entend une impossibilité d'assurer une quelconque maintenance. Il ajoute enfin que la faculté dont disposait l'association de conclure un nouveau contrat de maintenance ne lui permettait pas d'invoquer une disparition rendant impossible la maintenance au sens de l'article 1186 du code civil.
9. En statuant ainsi, alors que les contrats en cause, dont celui de maintenance, concomitants et incluant une location financière, étaient interdépendants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
(…)
« Réponse de la Cour
Vu l'article 1186, alinéa 3, du code civil :
11. Selon ce texte, la caducité par voie de conséquence de la disparition de l'un des contrats nécessaires à la réalisation d'une même opération n'intervient que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
12. Pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que la société Leasecom n'a pas été sollicitée lorsque le contrat de maintenance a été signé le 27 octobre 2016.
13. En statuant ainsi, alors que le contrat étant inclus dans une opération comportant une location financière, la société Leasecom avait nécessairement connaissance de l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle avait donné son consentement, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
Que faut-il retenir ?
- Les contrats de prestations de services et de location financières sont interdépendants et les clauses contraires sont réputées non écrites ;
- De la sorte en cas de résiliation du premier, le preneur pourra mettre un terme second à la condition toutefois de prouver que le bailleur avait « connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement » pour les contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 ;
- Cette preuve semble néanmoins facilitée par la Haute juridiction qui a considéré dans son arrêt du 10 janvier 2024 que le bailleur avait « nécessairement connaissance de l’existence de l’opération d’ensemble » lorsqu’il a donné son consentement ;
- Cette jurisprudence est applicable aux contrats de location financière, mais la question se pose de leur application à d’autres contrats qui présenteraient un lien d’interdépendance.